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Christophe De Beukelaer (Les Engagés): "Il y a un problème de séparation des pouvoirs en Belgique"

17 août 2023 16:54


Nouveau rendez-vous avec un député qui se démarque. Christophe De Beukelaer, député bruxellois des Engagés, en appelle à une réforme de la démocratie.


Christophe De Beukelaer entame la fin de sa première législature en tant que député bruxellois du parti d'opposition Les Engagés (ex-cdH). Il porte un regard assez sévère sur la démocratie régionale.


La démocratie régionale est-elle assez vivante à votre goût ?


Déjà, on est beaucoup trop de députés. Du coup, il y a une inflation de petits sujets et de petites questions qui ne sont pas essentiels. Des ministres viennent se justifier pour des tout petits trucs de quartiers. C’est lié aux compétences de la Région, mais également au fait qu’on soit nombreux. Ça occupe. Nous comme petit parti, on n'a pas le temps de faire cela. On se concentre sur les sujets essentiels. Mais les commissions sont engorgées et on n'arrive pas à les mettre à l’agenda. Je dépose aujourd’hui des choses qui ne seront pas discutées sous cette législature. C’est un vrai dysfonctionnement.


Il n'y a pas assez de commissions?


Si on compare au fédéral, il n’y en a pas tellement. Et il y a un problème de séparation des pouvoirs en Belgique, le législatif est souvent subordonné à l’exécutif, c’est particulièrement le cas à Bruxelles. C’est le gouvernement qui décide de l’agenda. Je l’ai déjà dénoncé. Il y a très peu d’indépendance des députés de la majorité, c’est la particratie plein pot.


Quel bilan tirez-vous de l’introduction de processus citoyens au Parlement bruxellois?


Je l’ai soutenu dès le départ. Mais trois ans après, je constate que cela ne fonctionne pas. Cela coûte assez cher. On implique très peu de gens, qui sont plus ou moins représentatifs, mais qui ne connaissent pas les matières. Il faut énormément de temps pour rentrer dedans. Les experts influencent fortement les débats. Les députés refont des débats qui ont déjà été menés dix fois. Ce n’est pas très motivant. on passe nos samedis et nos dimanches avec quel résultat? Alain Maron (ministre Ecolo de l'Environnement, NDLR), c’est extraordinaire, a imposé la 5G comme sujet d'une commission délibérative qui explique ce que tout le monde sait, c’est-à-dire qu’il faut la faire. Maron peut se cacher derrière, et dire "on y va" alors qu’il est contre. C’est utilisé pour cela en partie, et en partie, c’est de l’occupationnel. Jamais une commission délibérative n’est sortie avec une proposition disruptive, nouvelle. Tout ce qui sort était déjà sur la table.


Le Parlement bruxellois doit-il être réformé?


Je préfère la vraie décentralisation de la décision, le référendum et la consultation populaire. Les Engagés défendent un système de votation à la suisse, les gens ont besoin de décisions. Il faut des lieux de concertation avec les corps intermédiaires que les gouvernements écoutent de moins en moins. Puis, on se cache derrière des commissions délibératives ou de réunions citoyennes dans les quartiers. Pour GoodMove, on a demandé l’avis à quelques personnes courageuses, souvent phagocytées par certains partis, qui estiment être représentatives alors que ce n’est pas du tout le cas. On doit mettre un système de votation en place de manière phasée.


On se plaint aussi du manque de transparence de l'exécutif. Vous confirmez?


En effet, ce n’est pas facile d'avoir accès à l’information. Comme les ministres ne s'entendent pas, ils se renvoient la balle. C’est infernal. Je trouve que les parlementaires devraient pouvoir demander de l’info à l’administration. Face à l’armada des cabinets, le législatif a trop peu de pouvoir.


La situation budgétaire de la Région inquiète. Comment Les Engagés entendent résoudre le problème?


La situation actuelle est incroyable. J’utilise la dette consolidée. Au début de la législature, le gouvernement me disait que c’était pour sortir des gros chiffres inquiétants, aujourd’hui, le ministre Sven Gatz (Budget, Open Vld, NDLR) lui-même l'utilise car l’augmentation de cette dette est moins forte. Les structures pararégionales ont moins augmenté leur dette que la Région elle-même. C’est très amusant. Il dit que la dette consolidée va tripler d’ici 2029, mais celle de la Région a déjà triplé. On est passé de 3,5 milliards en 2018 à 10,5 milliards. En une seule législature! Gatz se cachait en disant que ce qu’il fallait regarder, c’est le coût de la dette. Aujourd’hui celui-ci explose. Plus 90% en 2022. Et j’attends de très mauvaises nouvelles en octobre. Comment en serait-il autrement si chaque année, le budget présente un déficit de 1 ou 1,5 milliard?


Que faire?

Réduire les dépenses. Je propose de supprimer les cabinets, c’est 20 millions par an. Il faut restructurer les administrations et les organismes bruxellois. Tout n’est pas à jeter, mais il y a moyen de simplifier. Fusionnons Vivaqua et Hydria. Pour l’informatique, on a aujourd'hui le CIRB de la Région, le centre informatique de la Ville de Bruxelles, chaque commune a son service et la Région a un service informatique pour son administration. En logement, des rapprochements sont aussi possibles.

Cela aurait un effet sur les dépenses et l’efficacité du service. Enfin, il faut généraliser l'approche budget à base zéro. Ce qui est dingue, c’est qu'aujourd'hui, le gouvernement prend des engagements qui endettent fortement la Région pendant que Gatz affirme qu’on ne va pas pouvoir continuer comme ça. Je lui demande pourquoi il ne réduit pas les dépenses, il me répond en demandant où. Or, il dit lui-même qu’il faudra le faire en 2024. C’est que cela doit être possible. Il se contredit en permanence.


De gros projets comme le métro 3 et Kanal risquent par ailleurs de grever les finances régionales.

Leur erreur, c’est d’avoir prévu 500 millions d’euros d’investissements stratégiques chaque année qu’ils ont sorti du périmètre budgétaire. Ils assument un déficit d'un milliard par an en dépenses courantes, mais on constate que ces 500 millions sont aussi utilisés pour les dépenses courantes. On a acheté des bus, par exemple, entretenu des tunnels en essayant de faire croire que c'était exceptionnel. Si on avait mis ces 500 millions dans le métro, il serait financé.



Quid des recettes, qui dépendent surtout de l'immobilier et des successions?

L'augmentation des recettes passera par le dynamisme économique. On a un gouvernement de gauche qui ne croit pas aux partenariats public-privé, ni que le dynamisme économique génère des recettes. Cela passera par la mise à l’emploi, les formations accélérées dans la construction et les autres métiers en pénurie. On ne peut pas se permettre d'augmenter la fiscalité vu la concurrence fiscale qui se joue en Belgique, sauf si c’est dans le cadre d’un shift. Je pense qu’on ne va pas éviter un débat sur le fait que ceux qui viennent à Bruxelles pour travailler payent leur taxe dans leur Région d’origine.


Bernard Clerfayt affiche-t-il un si mauvais bilan?

Oui. Il faut accélérer les processus pour les formations dans les métiers en pénurie. Et miser davantage sur le numérique. Molengeek et L’Ecole 19 sont prises d’assaut, notamment par beaucoup de jeunes d’origine étrangère, mais le secteur public est à la ramasse, le gouvernement est dans un discours paternaliste de victimisation, etc. Il faut un discours de responsabilité avec de vrais moyens. S’il y a des investissements à faire, c’est là et sur le terrain. Pas à partir des bureaux de la tour Actiris.


Comment se portent Les Engagés? Le renouveau ne semble pas payer dans les sondages.


Il y a beaucoup de nouveaux visages lors de nos événements et cela se voit de l’extérieur aussi. On est le seul parti à avoir osé une transformation qui pend au nez de tous les partis. Sur le fond, en matière de migration, de climat, de géopolitique, il est bon de pouvoir s’affranchir des décisions du passé. Et sur la forme, on assiste à un vrai passage de relais à une nouvelle génération. Ce genre de chose ne se passe pas sans ressac. On a changé de nom aussi, ce qui n’est jamais évident, cela explique en bonne partie les résultats dans les sondages. Le nom n’est pas connu. En campagne, on sera à égalité avec tout le monde en termes de visibilité. Cela va marcher.


Au niveau stratégique, faut-il grandir au détriment du MR ou brasser plus à gauche?

Ma stratégie, c’est la stratégie start-up. Si on tente d’imiter les gros, on ne va pas y arriver. On doit venir avec de nouveaux sujets et de nouvelles idées, un angle nouveau sur les problématiques. Il faut prendre des risques, même si cela fait un peu peur, y compris en interne. On parle beaucoup de crèches; par exemple, je voudrais qu’on parle davantage de la fin de vie. Et des nouvelles technologies, l'intelligence artificielle. Si on utilise les mêmes méthodes et qu’on se positionne sur les mêmes sujets que les gros partis, on va être écrasés.



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